Shrapnel
J'ai peur et lui aussi. Malgré la chaleur, j'ai froid. Je viens d'être touché et lui couine pour montrer sa peur de me perdre. Il pleure et je lui fais signe de se taire, sinon nous risquons de mourir tous les deux. Lui pourrait s'en sortir et retrouver un semblant de vie. Si je ne m'en sors pas. J'ai une famille que je dois retrouver. Pas de bambins qui courent partout avec des chiens aboyant de joie. Pas comme je l'aurais souhaité. Ce n'est pas possible, car je ne peux pas avoir cela. Je voudrais tellement de cette vie. Je regarde mon compagnon d'armes pour ce qui sera peut-être la dernière fois. Je le regarde et lui me fait comprendre que lui aussi veut de cette vie, d'une vie simple et heureuse, entourée de ceux que l'on aime. Mais nous n'aurons pas de petite vie calme. J'ai été touché. Où, je ne sais pas. Je ne sens plus mon bras droit, mais je n'ose pas bouger. Je n'aurais jamais dû m'introduire ici. J'avais entendu des cris et des pleurs. Cet enfant. Je ne lui en veux pas. Pas plus de dix ans et déjà un excellent tueur. Son air candide, enfantin ne m'aurait jamais alerté. Moi aussi, on m'a appris a tué, pas des enfants. Mais des soldats. Un enfant n'est pas un soldat. Enfin, dans ce pays, si. Et si j'étais née ici et lui là-bas, les rôles serait-il inversés? Aujourd'hui, je me dis qu'enfant, je n'aurai jamais pu tuer, mais en même temps, je n'ai pas été éduquée comme cela. On m'a appris que chaque vie est importante. Pourtant, à 22 ans, on m'a appris a tué. Je n'ai tué que trois personnes pour sauver mon compagnon, ma patrie. Mais lui tue aussi pour une raison. Celle qu'ils lui ont inculquée. Tue pour ta vie, ta religion. C'est bien de tuer pour sa religion. Je me dis que c'est impensable, mais nous l'avons bien fait durant des siècles. Je vais mourir, mais je ne lui en veux pas. Cet enfant n'ira pas en enfer. Ce n'est pas sa faute. Je crois l'entendre marcher. Pas loin. 3 mètres tout au plus. Je fais signe à mon compagnon de ne pas faire un bruit et de ne pas attaquer. Cet enfant est innocent. Il vit comme on lui dit de vivre. Dans mon pays, on grandit pour la réussite sociale. Ici, on grandit pour survivre. Je lâche une larme en repensant à mon pays. Ma ville. Ma maison. Mon frère. Mes parents. Mes amis. L'enfant est partie. Survivre. Pour eux. Pour lui. Regarder mon bras. Regarder mon corps. Comment tout ça est arrivé ?
Avec Foumico, je cherchais une bombe. La dernière. Sécuriser le périmètre. Un enfant pleure. J'approche et lui caresse la tête. Mon chien gronde. Le gamin appuie sur quelque chose. Je suis propulsée à plusieurs mètres de lui. Mon chien me tire dans une cachette. Mon bras, je ne le regarderais pas. Mon corps. Haché. Blessé. Des trous. Du gruyère. Les pâtes aux gruyères de maman le mercredi midi. Quand on a plus de viande pour accompagner. Ça n'arrive pas souvent. Juste quand on a oublié de faire des courses. Pas souvent. Mon corps. Je saigne. Des petits trous partout. Comme Tony Stark avec ses éclats de shrapnel. Mais je ne suis pas un super-héros. Juste humain. Moins ou plus humain que ce gamin? Moins jeune déjà. Plus expérimenté, c'est sûr. Tellement expérimenté que je me suis fait avoir. Mais quel imbécile. La zone est vide et un seul gamin. Pas besoin de plus de deux neurones pour comprendre le piège. Mon talkie-walkie. Il marche. Mon équipe. C'est moi qui dirige la mission. Je dois les prévenir. Je regarde Foumico. Mon trésor depuis le début. Je lui demande par le regard si je peux sans nous faire repérer. Je peux.
"Équipe n°3?
-......
-Équipe n°3?!
-....Oui....où êtes-vous colonel?
-Je ne sais pas...
-Allez-vous bien?
-Je me suis... pris une balle... Et froid.
-Activer votre radar pour que nous vous retrouvions !
-*bruit d'enclenchement du radar a sa ceinture*
-Vous êtes à une centaine de mètres, nous arrivons tout de suite!
-Merci. Terminé"
Ils vont venir. Pour moi. Pour nous. Ils vont arriver. Et ils comprendront. Nous sommes tous tellement faible fasse a une situation que nous ne comprenons pas. Foumico frotte sa tête contre moi. Oui compagnon, ils arrivent. Bientôt.